Tuer Astérix ?

Le petit village des irréductibles Gaulois est confronté à son pire ennemi. Cette fois, ce ne sont pas les Romains, mais « l’industrie de l’édition », écrit Sylvia Uderzo, la fille du dessinateur d’Astérix.

Alors que son père souhaite qu’Astérix survive à la mort de son créateur, Sylvia Uderzo s’y oppose fermement dans un article qu’elle a écrit pour le journal parisien « Le Monde ».

En décembre dernier, la maison d’édition Hachette Livre a acheté 60 % des droits d’Astérix : 40 % à Albert Uderzo et 20 % à Anne Goscinny, fille du co-créateur d’Astérix, René Goscinny.

La naissance d’Astérix

Le personnage a été créé par Uderzo et Goscinny en 1959. Les bandes dessinées ont été traduites dans de nombreuses langues (dont le latin et le grec ancien) et sont vendues presque partout dans le monde. Avec Obélix, son meilleur ami, Astérix est le héros d’innombrables aventures.

Chaque édition est tirée à 2,5 ou 3 millions d’exemplaires et 325 millions de livrets ont été vendus à ce jour. C’est la bande dessinée française la plus populaire au monde. En 1980 sort la première aventure d’Astérix qu’Uderzo a réalisée seul : « Le Grand Ravin ».

Un Astérix sans âme

Avec les droits, Hachette Livre a obtenu la permission de produire de nouvelles séries et de développer davantage le personnage d’Astérix. Tant qu’Astérix se vendra, ils enchaîneront logiquement les aventures. Imaginer qu’Astérix sera produit en série, « vendant son âme au vil argent », voilà ce qui exaspère la fille du dessinateur.

Selon Sylvia Uderzo, l’industrie de l’édition a convaincu son père, à l’âge de 81 ans, de renoncer à toutes les valeurs avec lesquelles il l’a élevée : indépendance, solidarité, hospitalité et esprit de résistance. Cette transformation de son père, survenue au cours des 18 derniers mois, est le produit d’une intrigue de certains conseillers qui veulent s’approprier l’œuvre de l’artiste, affirme la fille du célèbre dessinateur.

La bataille entre les filles des créateurs

Il y a vingt ans, Albert Uderzo a demandé à sa fille de rejoindre l’entreprise. Depuis 2001, son père, alors âgé de 73 ans, s’est de plus en plus retiré des affaires courantes pour se consacrer à l’élaboration de nouveaux livres.

Pour Sylvia Uderzo, Astérix fait partie du patrimoine culturel français. C’est pourquoi, dit-elle, elle ne se bat pas contre son père, mais pour sauver cette œuvre essentiellement française qu’Albert Uderzo et René Goscinny ont créée.

Anne Goscinny, en revanche, applaudit l’achat des droits par Hachette. La fille de l’éditeur des textes d’Astérix affirme que le petit héros gaulois a survécu sans problème majeur à la mort de son autre créateur, son père, René Goscinny.

Sylvia Uderzo, quant à elle, souligne que les amateurs de bandes dessinées savent depuis longtemps que son père, Albert Uderzo, a toujours voulu faire comme le créateur de « Tintin », Hergé, qui avait stipulé dans son testament que la série ne serait pas poursuivie après sa mort. Si Sylvia Uderzo pouvait en décider, le prochain tome s’intitulerait probablement « Astérix et les requins des maisons d’édition ». Albert Uderzo reste silencieux pour l’instant.